Sous le pont qui enjambe la Bléone, juste avant d’entrer à La Javie l’eau coule avec force, boueuse et chargée, elle occupe presque tout le lit de la rivière.
Un homme passe que l’on ne connait pas et lance un salut matinal.
1000 m de dénivelé plus haut, sur le plateau d’Iroire, les ingrédients pour fabriquer l’eau boueuse qui coule en plaine sont réunis.
Névés de neige dans leur processus de lente disparition, comme de grosses larmes blanches sur la joue d’un géant, eau claire qui roule sur une prairie parsemée de bouses et engorgée, nuages lourds d’où s’échappe de temps en temps une averse mêlée de grêle.
En grimpant sur les Aneliers, au milieu des buissons de myrtilles et de timides crocus blancs on entend le bruit du vent qui se faufile en sifflant dans le bas des vallons.
La fonte des neiges restera toujours un mystère, avec ces paysages qui se façonnent au gré des différentes couches et des caprices du thermomètre.
Paysage unique et éphémère, proche de la peau d’une vache aux formes étranges.
Cet hiver qui n’en finit plus aura vu des records d’accumulation, un niveau jamais atteint depuis 40 ans parait t’il, des écarts de température passant de l’hivernal au quasi estival qui ont rendu au printemps le manteau neigeux impraticable, dangereux car instable.
Le pas s’enfonce jusqu’au sol dans une matière neigeuse devenue marron grâce au sable déposé par le vent chaud venu du Maroc.
C’est triste concède l’enfant à la vue de l’image.
C’est le cycle normal répondra t’on.
Un timide chemin apparaît à la limite terre neige sur le versant ombragé de la montagne.
On dira qu’il s’agit de la frontière entre l’hiver et le printemps, quand le solide devient liquide puis invisible jusqu'au prochain hiver, une passation de pouvoir où les herbes, longtemps aplaties et contenues sous le mètre de neige hivernal, vont reprendre possession du territoire.
mardi 30 avril 2013