Les gros paquets de neige dévalent les toits et les arbres et s’écrasent au sol dans un grand bruit de matière molle et humide, bouses naturelles et blanches accumulées en tas informes.
La chaleur, accompagnant le soleil revenu, paraît inespérée dans ce paysage chargé.
Une neige a deux jours du printemps, un hiver qui ne veut pas mourir, “la plus grosse chute de l’hiver“ annonce Philippe, occupé à dégager les 50 cm de poudre sur son escalier dans le village de Selonnet.
Plus avant sur la place les enfants ont creusé une grotte dans le tas de neige ramené par les engins nettoyeurs.
A Seyne les panneaux lumineux affichent fièrement les mensurations (haut et bas, 60/90cm) exceptionnelles des stations environnantes.
La route pour venir jusqu’ici ne fut pas facile aujourd’hui.
On a même rebroussé chemin au matin, devant la perspective d’un déplacement délicat.
Dans la plaine les bas côtés présentent les stigmates de voitures ayant fini leur route au fossé, balafres noires dans les murs de neige.
“ C’est toujours pareil “ renchérit Philippe, de Digne au Labouret c’est déneigé nickel, ensuite passé le col ça se gâte, c’est pas normal“.
La conduite fût rude, imprévisible, les roues se tanquant sur de grosses plaques neigeuses rendant la direction aléatoire.
On comprend les voitures qui sont restées garées.
Elles semblent être de gros escargots assoupis, formes rondes d’où ne dépasse que l’excroissance graphique d’un rétroviseur où d’un essuie glace incongru pointé vers le ciel.
Petites boules solitaires et inutiles sur les parkings, condamnées au voyage immobile.
Deux silhouettes s’affairent justement autour d’un véhicule paralysé.
Pelle de ménage désuète en plastique d’une main, mode d’emploi des chaines dans l’autre, rictus rigolard de ceux pour qui cela restera une anecdote de vacance à classer dans le rayon “ événement exceptionnel “.
A Chabanon, sous un panneau publicitaire “ on est tous d’ici “, les pisteurs n’ont ouvert que deux pistes. Il n’est même pas certain que cette neige tardive et abondante retarde la fermeture prochaine des stations.
“Ils n’ont plus les moyens de garder le personnel pour trois skieurs de la vallée hors vacances “ a rajouté Philippe entre deux pelletées.
La dure loi de la rentabilité.
Lundi 19 Mars 2013.