L’hiver joue à l’alternance.
Un hiver indien.
Vers 17 h, après une longue journée passée à marcher vers le col de la Cine, le noir du soir enveloppe de nouveau les terres sombres de la plaine.
Les derniers rayons du soleil mourant illuminent ce qu’il reste de neige sur les pentes efflanquées du Cheval Blanc.
La marche fut difficile, tantôt en terrain boueux, puis sur des sentes instables, aimantées par le vide, pour finir cramponné à la glace dans les ubacs du col.
Beaucoup de traces sur le sol, d’abord des petits points oranges disséminés sur les terres noires vers le col de la Cèpe, plus bas dans l’ombre : « on fait des relevés pour observer les alluvions laissés par la crue « nous explique ce jeune homme, bonnet rabaissé sous les yeux, air juvénile et consciencieux de celui qui est heureux de pouvoir raconter son métier à un improbable promeneur matinal.
Le hameau de la Rouine, désert, comme si les habitants avaient fui devant une quelconque menace: on entendrait presque les portes grincer s’il y avait de l’air.
Traces de laine de mouton gelée incrustée au sol, bassine remplie d’huile de vidange qui tremble, souvenir du maquis vers la chapelle où un homme fût soigné et sauvé durant la guerre.
Au col, dans un petit vent frais le soleil illumine pour quelques instants encore les pattes des différents animaux qui sont passés hier, ou il y a une semaine, sarabande folle d’espèces qui luttent pour leur survie, en se mangeant entre elles.
La piste vers Draix ne dégèle pas, croûte de glace bleue mélangée à la terre.
Cailloux qui s’éboulent, montagne en mouvement permanent.
Forêt en mutation, coupe de bois.
Danger.
Restauration des terrains de montagne, de délicats morceaux de bois sont disposés dans les robines, barrages miniatures, dentition de l’animal imaginaire, la main de l’homme comme ultime secours à la désagrégation de la roche.
Dernières traces de la journée.
Après avoir longé un long tuyau, serpent immobile sectionné en son milieu, apparaît un champ de pneus, géométriquement alignés, envahi d’herbes, comme une allée menant vers un hypothétique château de tôles ondulées.
C’est l’architecture éphémère des montagnes pauvres, tâches noires dans le noir du soir.
Mardi 8 janvier 2013.