Seyne Les Alpes-FROID NOIR ( chronique d'un arrière monde)

Tout au bout de l’interminable route glacée de la plaine de Seyne on tombe sur un panneau de promotion immobilière qui interpelle notre curiosité.

“Les chalets de la Blanche“ : c’est une grande photo couleur d’une construction octogonale aux toits pointus, lorsque l’architecture voulait prendre des airs futuristes avec une imagination au rabais.

A gauche de l’affiche on lit “ Du T2 au T4 Duplex Cléf en main “ou à aménager soi même“(fautes incluses).

Les fameux chalets sont justement derrière le grand panneau. On entre dans la “propriété privée défense d’entrer“ en passant à côté de la chaine noire inutile qui ne barre plus l’accès.

Les fenêtres des “chalets“ sont murées avec des parpaings, mais la porte d’entrée est grande ouverte.

Dedans il y fait plus froid que dehors.

Il règne aussi une forte odeur de mouton vu que le sol est maculé de multiples petites crottes noires.

Une étable de luxe.

Les murs craquelés sont suintants d’humidité.

L’ensemble de ce qui fût un centre de vacances respire l’abandon pur et simple.

Comme beaucoup de grandes maisons ici.

Il reste quelques cabinets intacts.

Une chambre avec des dessins d’enfants.

Et une multitude de pièces vides, de couloirs, de mezzanines, à “aménager soi même“, pour la somme de 49 500 Euros.

On trouve les inévitables graffitis (Robin Le king (with the big dick) était là).

Une fresque murale datée du 13/12/2000 représente un paysage de montagne idyllique, un peu celui que l’on pourrait apercevoir si les fenêtres n’étaient pas bouchées.

La visite de ce lieu mort ravive les souvenirs bruyants de ce que furent les colonies de vacance de notre passé.

En sortant de ce labyrinthe de l’oubli, sombre, humide, glauque, on est aveuglé par une forte lumière qui nous ramène à la vie.

Trois chevaux noirs nous observent de loin, trois petits points bien rangés sur le blanc de la neige.

Contre un buisson une jolie pancarte bleue et discrète indique “ Tir du lapin interdit “ avec un dessin du lapin rigolard en nœud papillon.

Au village de Seyne la journée passe dans le bruit de ruissèlement de l’eau de fonte des neiges. La porte du cimetière grince comme toutes les portes de cimetière.

Les enfants reviennent de la cantine en criant.

Sur la terrasse du bar deux hommes discutent : ils ne comprennent pas l’imprudence de ce jeune skieur hors piste mort dans l’avalanche de Risoul hier midi.

Lundi 17 Décembre 2012.