St Clément ( sous le Blayeul )-FROID NOIR ( chronique d'un arrière monde)

Le temps est maussade.

Vers 1200 m il tombe une petite neige qui par moment volette comme la plume de l’oiseau déchiqueté par l’épervier.

On entend à travers les protections du bonnet le petit cliquetis des flocons.

Comme une imprimante à aiguille en fin de vie.

Du sud roule de gros nuages gris du redoux annoncé et inéluctable.

La terre redevient noire.

Pour un court répit.

Aujourd’hui dans les contreforts du Blayeul, par la face nord, on marche sur la piste qui monte raide comme une saillie vers la bergerie de la Bâtie.

Le paysage se dévoile par à coups, au gré des déchirures d’un brouillard tenace.

La neige de la nuit a révélé les reliefs de la roche, comme le ferait la poudre de l’identité criminelle à la recherche d’empreintes.

On n’a croisé personne de vivant, mis a part une dame en voiture, deux chevreuils et un sanglier.

Et aucun ne s’est attardé près de nous.

Le hameau de St Clément, un peu plus bas sur la pente semble désert dans le soir qui tombe.

Solitude des maisons fermées, voitures garées sans roue, caravanes endormies, église qui roupille et toujours cette neige qui s’obstine mais ne colle pas au sol.

Comme si la terre en avait déjà assez et refusait cette matière envahissante et tenace.

Il y a quelque chose d’envoutant à regarder ce paysage de fin de monde.

L’observer de loin tout en faisant corps avec.

Quelque chose de touchant dans ce pays qui refuse malgré lui mais plus pour longtemps l’enfermement hivernal.

Solitude de cette enclave hors du monde.

Jeudi 13 décembre 2012.