Pic de Couard-FROID NOIR ( chronique d'un arrière monde)

Il existe au sommet du Pic de Couard (1988 m) un magnifique cairn surmonté d’une croix de bois.

On le découvre après une ascension par un sentier étroit, raide, et dans le brouillard.

Il signale le sommet, la proximité avec Dieu et aussi le repère afin de ne point se précipiter dans le vide par mégarde ou même par envie.

On y devise autour malgré la météo peu avenante qui nous fait regretter ces efforts pour ne voir qu’un voile blanc d’où sort de temps en temps le fantôme d’une montagne accompagné du vol d’un corbeau.

Cela reste fort beau.

Ce midi on n’est pas loin de 23, à l’heure de pointe, à regarder avec un air dépité les quelques lambeaux du paysage d’en dessous.

Un monsieur en short n’hésite pas une seconde et fait demi tour en riant : “On va grimper le Cucuyon en attendant que le ciel se dévoile, on y verra mieux en face “.

Sa tactique s’avérera payante.

D’autres sont assis et mangent en parlant de tout et de rien, de ces petites choses qui meublent les rencontres éphémères, de la neige moins abondante en hiver, du boucher de Digne qui donne du pâté aux clients, du prix d’un billet d’avion pour l’Australie.

Ces instants sont ponctués de carreaux de chocolat tendus aux nouveaux arrivants, d’une tournée générale de café pour les promeneurs cigale qui ont grillé dès le départ leurs maigres réserves, et d’une rasade de génépi avec cet avertissement que justifie la petitesse de la dose “ attention c’est du vrai “.



Au bout d’un certain temps la patience diminuant et le corps se refroidissant on se dit que l’on va attaquer la descente car en théorie elle sera aussi raide que la montée, le brouillard en moins.

Avant de quitter le sommet on dérange Yvonne qui termine son repas pour lui signaler que derrière elle, sous les pierres du cairn, se cache dans un Tupperware le livre d’or du sommet.

On y découvre quelques écrits savoureux.

“Bon ça y est cette fois on est prêt pour les Monges, un peu mal au cul mais ça va le faire. “

Un paquet de cigarettes italiennes “il fumo uccide “.

Un joli dessin d’un troupeau de mouton au lever du soleil le 25 juin 2008.

On entendrait presque rire le Petit Prince.

En repassant par le pas d’Archail il n’y a plus les poules et les canards du matin, les moutons sont redescendus ce jour même pour hiverner vers Tartonne, le berger range le refuge.

Le dernier mot sera pour le livre d’or enfermé 300 m plus haut : “ toujours aussi beau et nuit au refuge avec Clément le sympa et beau berger, pour finir la saison ! Fiesta oblige, on n’est pas couché !“

Dimanche 7 Octobre 2012.