Sommet des Monges-FROID NOIR ( chronique d'un arrière monde)

En début de matinée le pas est gaillard dans le sentier raide qui nous conduit vers les crêtes et le sommet des Monges.

8 heures plus tard, dans le sens de la descente, le pas traine sur une douleur au pied gauche, la distance vers le retour ressemble à un élastique qui se tend et toujours nous éloigne.

La faute à la gourmandise, obstacle un peu haut, trajet trop long, peu importe.

Il aurait été plus aisé de le gravir depuis un endroit mieux adapté.

Mais la curiosité nous a conduit vers le village d’Authon, en pensant donner le bonjour à une vieille connaissance qui hélas aura clos ses volets pour l’hiver certainement.

La grimpée est belle sur cette arête fraichement venteuse qui nous rappelle que l’automne est dans deux jours.

Passé les feuillus on baguenaude donc sur des prairies brûlées par la sécheresse.

Le pays alentour est jaune, râpé comme la peau d'un loup avant sa mue d'hiver.

L’homme en ce milieu de pente est rare où mort et quelquefois sur des chevaux.

Rare et peu bavard, il marche dans son survêtement bleu : on cherche par une phrase qui se veut subtile à engager la conversation.

“ Ça va mieux dans la descente “ dit on fier de soi en transpirant.

“ Avant de descendre il a bien fallu que je monte “ nous répond survêtement bleu.

On dira qu’on a eu ce que l’on a cherché.

Mort comme Jean Millet le 7 novembre 1998 à cet endroit là.

Cet endroit là c’est la mi-pente, bel endroit pour mourir : reste un cairn, une plaque, des fleurs en plastique aux couleurs vives mais défraichies et une pierre gravée “ Salut Jean relève toi, prends ce bâton continue ton chemin dans l’au delà “.

Le dit bâton est solidement cimenté aux cailloux, mais l’esprit se soucie peu des attaches matérielles.

Sur les chevaux ils sont deux, Max et Maxime.

Des cow boys dans le far West bas alpin.

Max a un joli chapeau, un sur pantalon de cuir, une poignée de main franche et amicale et une grosse moustache en guidon de vélo.

Il dit qu’il a un peu froid, que le pays est beau malgré la sécheresse “t’as vu l’été qu’on a eu ?“

Maxime est tout jeune, c’est son anniversaire aujourd’hui et Max l’a amené jusqu’ici en cadeau avec le cheval qui lui a 24 ans.

Ils repartent casser la croûte vers la cabane des Monges “ dans une demi-heure on sera à Authon “.

Le sommet est aussi plat et herbu que les falaises sont caillouteuses.

Les points névralgiques sont déjà occupés par des randonneurs.

A la côte 2115 m l’homme qui mange demande si on est bien au sommet.

On regarde en haut et on répond “ Oui il n’y a plus rien au dessus de nos têtes, nous sommes bien au point culminant des Monges “

On dira qu’il a eu ce qu’il a cherché.

Jeudi 20 septembre 2012.