Le placenta sèche sur la piste poussiéreuse.
Elle sort du bois, tenant l’agneau blanc et noir dans ses bras, comme une mère son enfant.
Elle le regarde doucement, chassant les mouches de sa tête, de leurs têtes.
Elle c’est la bergère, “ a La Selle on est “ en désignant la montagne plus haut “ celui là il a deux jours, on le porte pour le redescendre avec la voiture parce qu’il a pas assez de forces “.
Sur le chemin qui descend de la cabane du Mourréen le troupeau broute encore quelques feuilles avant de rentrer.
“ Si on peut ils resteront jusqu’à Octobre, si on est pas embêté “ dit t’elle dans une moue qui rend la réponse automatique.
“ Le loup ? “.
“ Cette nuit il en a pris une chez nous et deux l’autre fois au Mourréen, c’est bien beau la cohabitation, la diversité, mais quand ces deux là se rencontrent c’est souvent le loup qui mange l’agneau “.
Près de la voiture un homme fait la sieste avec une allure pachydermique.
Plus tôt ce matin en montant vers la cabane de Vachière on a croisé un autre troupeau qui descendait, une jeune bergère ferme la marche, un vieux berger devant dans le soleil.
“ C’est fini ? “.
“ Non on va à la foire de La Javie “.
“ On peut vous prendre en photo ? “.
“ Ça fait des souvenirs, oui “.
La cabane plus haut est déserte, il y a un chien peureux dans sa drôle de niche ronde, une poule noire, un lavoir fleuri d’œillets d’inde face à la vallée, un feu rempli de mégots de cigarettes et d’épluchures de cacahouètes.
Plus haut on entend les sonnailles sans voir les bêtes.
La montagne a comme un air d’absence après la semaine de froid qui vit les sommets timidement saupoudrés des premières neiges.
On mange en hâte, accompagné par les mouches.
A Prads les gens rentrent le bois, l’auberge est fermée, la route barrée pour travaux.
On recroise le troupeau du matin avec le vieux berger toujours jovial et la jeune bergère irritée qu’on lui coupe une fois de plus sa route pour prendre des photos.
Jeudi 6 septembre 2012.
