On a laissé passer la chaleur de la semaine, les prés grillés, le rocher qui brûle juste en le regardant.
L’air chaud qui prend en tenaille et jamais ne s’échappe.
On a laissé passer le gros orage d’hier, pentes qui ravinent, éclairs qui foudroient, hélicos qui viennent sauver les montagnards en herbe en perdition dans le brouhaha des tonnerres.
On a attendu ce moment.
Un matin comme aujourd’hui où 6 degrés à 1900 m sont de bon augure pour attaquer par un chemin inconnu ce pic de Bernardez (2405m), dont l’aiguillon nous attire comme la foudre avec l’arbre isolé.
On grimpe par un joli sentier, aveuglé par le soleil levant qui peut quelquefois donner le vertige.
On passe sous les fourches caudines d’un arbre nain.
Un homme jeune et en short nous dépasse en courant puis disparaît sans bruit.
Au col la séparation entre le flanc boisé et rocailleux tranche avec l’esplanade pelée, déjà marron d’un automne à venir.
Stigmates d’un été sec en attendant les orages futurs.
On laisse passer un troupeau de marcheurs bruyants qui semble être là pour rentabiliser le temps.
On s’éloigne alors lentement en hors piste pour rejoindre le pic par des sentiers de traverse : la crête du pré de Lambarle où la place est étroite, puis la montée vers le pic en suivant les traces des moutons venus chercher l’herbe rare.
On arrive au sommet où deux croix semblent sorties d’un duel fratricide.
La grande croix est debout, face au ciel, elle domine la seconde, plus petite, qui est couchée, vaincue par on ne sait quelle force céleste.
Le combat fut terrible.
Les deux morceaux cohabitent, car personne n’a encore osé faire place nette, dans l’attente de la réconciliation.
En attendant la paix des dieux on avale une tomate, une pêche, et un morceau de fromage.
La descente se fait par un sentier abrupt qui fleure bon la crotte de mouton.
La montagne retrouve en cette fin de mois d’Août son visage solitaire.
Un vautour fauve plane au dessus du vallon.
Les consommateurs de loisirs sont sur le départ.
dimanche 26 août 2012.