Fort de Dormillouse-FROID NOIR ( chronique d'un arrière monde)

Au Fort de Dormillouse, lorsqu’il fait beau temps, on peut voir le Mont Blanc, et il y a beaucoup de monde (enfin plus que lorsqu’il neige en Mai et que l’on ne voit pas le bout de ses pieds).

Il faut dire que l’on peut y accéder par un sentier facile, à pied, à VTT, en 4X4, et à téléski (pour cela il faut être patient et attendre l’hiver).

Il y a bien des télésièges qui acheminent le marcheur paresseux mais on attendra d’être physiquement réduit ou très pressé pour utiliser ce service.

Les gens donc.

On croise des parapentistes qui ont du mal à décoller : « allez vas ’y, cours, c’est ça, bon vol crapaud “ dit le monsieur qui vient d’aider son client à décoller, “ il avait la trouille “ lâche t’il dans un hochement de tête qui sent bon la lassitude de faire décoller des “crapauds“.

L’homme ensuite part jeter de la cendre à côté du générateur qui toussote et crachote son diesel à 2505 m d’altitude. On pensera plus tard à leur parler de l’énergie solaire et aussi des chaises plastiques fort peu élégantes sur la terrasse du Snack.

A l’intérieur du Fort (entrée libre et gratuite), il y a un bar dans une belle salle voutée chauffée par un gros poêle à bois sans chat qui ronronne. Beaucoup de petits recoins sombres où il fait très frais en été, laissant imaginer ce que pouvait être la vie des soldats en hiver lorsque ce Fort surveillait la vallée de l’Ubaye, guettant l’arrivée de l’envahisseur Italien.

A l’étage sur la terrasse (vue panoramique unique de Marseille à Grenoble, de l’Italie au Ventoux) un petit donjon abrite un lit avec deux matelas plus tout à fait neufs.

Certains comme ce couple très chevelu, ont plutôt choisi de dormir sous la tente face au lever de soleil, en passant leur temps à regarder le paysage avec des jumelles puissantes, avant de démonter la toile et ranger les matelas dans le Land Rover garé juste à côté.

Une fois la place nette l’homme chevelu dira en regardant en arrière “ on ressemble à des Berbères… bon c’est l’heure de l’apéro. “

Il est donc presque midi, les groupes de marcheurs arrivent par tous les sentiers, un homme court et avale sa bouteille d’eau au sommet, trois promeneurs se baignent plus bas dans le lac Noir.

En partant par les crêtes on entre dans la cabane du télésiège des lacs et on observe collées au mur les tranches de vie de ce petit royaume d’altitude : la naissance de Nolan à la Bréole, les repas, les tempêtes, l’avalanche du 24 février 2004, la bouteille bue le 3 mars 2012 en l’honneur du survivant de cette avalanche et aussi le décès de SAM avec son oraison funèbre.

Dans ce petit chalet de bois il n’y a que des visages muets et souriants, ex-voto bien punaisés collés avec les araignées, et ce silence troublé par une mouche et le souffle du vent.

Jeudi 16 Août 2012.