Où l’on reparle du loup.
L’homme coupe le contact de son quad à notre approche.
Il dit en souriant : “ je vais remettre le courant, au retour il faudra que tu passes par la pelouse en évitant le parc à bestiaux “.
“C’est pour le loup ? “.
“Oui, on ne sait plus comment faire, la nuit on parque les moutons, on leur met des lumières et on allume la radio de temps en temps, pour réduire les attaques“.
“Et les patous ?“ .
“Ils sont ingérables, ils bouffent les vélos, les touristes, ils sont sauvages et peu habitués aux hommes alors… moi ce que je demande c’est juste de venir faire manger les bêtes“.
“Bon courage alors“ et l’on repart dans la pente raide en baissant la tête.
Ce chemin est familier, on l’a pratiqué en hiver, sur de la glace jusqu’à mi-pente du pas d’Archail, contraint de rebrousser chemin devant notre peu d’équipement et de savoir faire en ce terrain délicat.
Aujourd’hui, confiant et sur de soi on se trompe carrément de piste, certain de notre choix jusqu’au moment où l’on se retrouve idiot et perdu dans une forêt de hêtre.
On rebrousse chemin et on retrouve la bonne direction que l’on a manquée de peu, la végétation cachant le départ de ce fin sentier qui nous amène jusqu’au pas d’Archail.
Vers le sommet on est dépassé par un couple qui trottine dans le pierrier, tout de muscle vêtu, le maillot sec et moulant de ceux qui font des efforts sans transpirer.
On les envie tout en prenant un coup au moral car alors que l’on se change près de la cabane pastorale pour être habillé de sec on aperçoit leur silhouette qui déjà est à mi-pente du pic de Couard.
Du coup on change de destination non sans avoir salué au passage un jeune berger silencieux qui met son âne dans un enclos.
La discussion ne se fera pas, la règle numéro 1 voulant que l’on ne force pas la parole en montagne.
On choisit alors de gravir le sommet jumeau du Couard, le Cucuyon, plus bas de 100 m mais surtout entouré de formes rondes, douces et vertes moins agressives que le caillou pelé du Couard.
Le lieu semble féminin tant il ondoie dans le vent.
Après 40 minutes de slalom entre les orties on se pose au sommet, moins bruyamment que l’hélicoptère de l’armée qui une heure plus tôt y a fait un atterrissage d’entrainement.
En redescendant sur la crête du pré de l’évêque on peut admirer les deux sommets de dos, comme une femme endormie dont les seins pointeraient vers le ciel.
L’air est chargé d’une odeur de miel, la pelouse est multicolore.
Lundi 25 juin 2012