Lorsque l’on évoque le nom de l’Estrop, modestement et en chuchotant presque, on sait que l’on s’attaque au symbole de cette micro région que l’on arpente depuis bientôt 8 mois.
L’Estrop, sans prononcer le P de la fin, au risque de passer pour un « étranger « de Sisteron, est sans conteste l’Himalaya du bas alpin, son K2 rêvé, un Annapurna de convoitise.
Il est dans tous les esprits, dans toutes les légendes vraies où fausses, peu importe puisqu’il s’agit de légendes.
Tous les matins on contemple ses crêtes enneigées d’octobre à juillet, avec trois petits mois d’été de répit chauve, sec et gris.
Il paraît que là haut (2961 m) les orages sont terribles, que les neiges à défaut d’être éternelles (même celles du Kilimandjaro vont disparaître), ont toujours une épaisseur démesurée vu depuis le bas et dans l’imaginaire des enfants.
On peut être certain, lorsqu’il tombe 10 cm à la Javie, qu’il en est tombé 3 mètres sur la tête de l’Estrop.
Mais personne ici bas n’est assez fou pour aller vérifier.
On se contente de le dire et c’est suffisant pour en être certain.
Il y a bien sûr des intrépides qui y montent l’hiver, au printemps, et à la belle saison.
En été le refuge Carle (2050 m) ne désemplit pas, bien blotti au fond de la vallée du versant sud, entouré de cascades, de rivières, de roches en désordre aux allures de pachyderme assoupi, et aussi d’un joyeux désordre mais on vous répondra que l’homme volontaire et presque bénévole n’a que deux mains.
Et puis c’est haut.
Et puis c’est tout.
On part du lac des eaux chaudes (1100 m ) on passe un pont, on grimpe sur des chemins lisses comme un tapis, dans des éboulis dantesques, sur des vires où l’on s’accroche à des filins pour se rassurer.
Il y a dû avoir en des temps reculés une grande bataille entre le végétal et le minéral et il semble que ce dernier ait remporté le combat.
On n’entend rien d’autre que le fracas de la cascade de la Piche qui résonne jusqu’au refuge.
On traverse une grande prairie molle et douce où poussent de jolies fleurs bleues minuscules et des crânes de moutons morts.
Puis on passe un dernier pont et on se retrouve au refuge.
La saison n’a pas encore commencé.
Dehors une malle rouge ouverte remplie d’eau attend son heure de rangement.
Il y avait à l’intérieur des sachets de thé pour infuser.
Le sommet est en théorie à trois heures de marche.
L’ascension du mythe attendra encore un peu.
JEUDI 7 Juin 2012.