Il fait froid.
Très froid même.
Un froid dont on se souviendra, même dans 20 ans.
Au point que la machine qui donne les informations conseille aux gens de ne pas sortir.
Alors pour une fois on ne va pas écouter la machine qui distille la peur aux gens.
Bien couvert, par couches successives, de la tête aux pieds on se dirige vers le sommet du Cousson.
Prendre de la hauteur et sortir des bois noirs.
C’est une petite marche que l’on débute depuis le village d’Entrages, où il fait un petit moins 15 degrés ce qui n’empêche pas l’homme âgé couvert comme on habille un enfant de faire sa promenade.
“Il n’y a pas de soucis, c’est bien là haut mais ça fait longtemps que je ne suis plus monté, vous me direz comment c’est “.
La montée au début est facile, on croise une musaraigne raide, les 4 pattes en l’air.
La radio avait raison, il est dangereux de sortir par temps froid.
On grimpe en suivant les traces des chevreuils qui ont creusé une tranchée dans la neige avec les randonneurs, et on repense à ce roman de Rick Bass, Winter, dans le Montana, lorsque les loups guettent les cerfs dans ces tranchées dont ils ne peuvent s’échapper, leur ligne de vie devenant piège mortel.
Mais ici nous ne sommes pas dans le Montana.
Juste à 1600m d’altitude, au sommet un vent glacial nous gifle, la température frôle les moins 20 degrés.
On fait une halte café jambon vers la chapelle St Michel.
A l’intérieur sur le livre d’or Antoine le 02 février 2012 note qu’il est monté en faisant la trace pour nous montrer la voie.
On remercie en silence Antoine et on redescend.
Sur la place du village ils sont maintenant deux vieux à se chauffer au soleil.
“ Alors c’était beau là haut ? il y’avait combien de neige ?“
On montre le haut de la cuisse en racontant.
“Vous avez vu des animaux ?“
“ Un gros lièvre “.
L’homme assis à droite commence à plaisanter sur le froid, sur les enfants qui sont morts dans le lac gelé, la faute aux parents qui surveillent pas, sur le vieux atteint d’ Alzheimer qui est sorti en pyjama par moins 14.
“ Eh eh il est pas allé bien loin celui là “ dit il en ricanant.
“ Les vieux quand ils souffrent on devrait les euthanasier, mais proprement, à l’hôpital, c’est pas bien de les laisser souffrir “.
“ Nous ici on sort par grand froid, on se promène toute la journée, on est bien au soleil“.
Soleil qui disparaît comme les deux compères qui vont faire “ une dernière petite promenade “.
lundi 6 février 2012.